La météorite qui intrigue

décembre 1st, 2016 no comment

On a collecté environ 50.000 météorites sur Terre mais celle retrouvée dans une carrière suédoise, piégée dans du calcaire qui s’est déposé il y a 470 millions d’années, ne ressemble à aucune autre. Cette découverte nous donne peut-être des informations précieuses et inédites sur l’histoire de la biosphère et du Système solaire. Entre 485 et 460 millions d’années environ avant le présent, la diversité de la vie marine a augmenté comme jamais. Cet épisode est d’ailleurs baptisé Grande biodiversification ordovicienne (ou GOBE, pour Great Ordovician Biodiversification Event), ou encore l’explosion ordovicienne. Les calcaires retrouvés dans la carrière de Thorsberg, dans le sud de la Suède, datent de cette période, plus précisément de l’Ordovicien moyen qui s’étend de 470 à 458 millions d’années environ. Depuis le début des années 1990, elle a livré une centaine de météorites dites fossiles car, bien qu’elles aient été altérées, elles ont visiblement bénéficié de conditions d’enfouissement qui leur ont permis de traverser les âges jusqu’à nous. Jusqu’à 2011, les chercheurs n’avaient découvert qu’un seul type de météorites, des chondrites ordinaires de type L, qui constituent environ 35 % de l’ensemble des météorites cataloguées, et 40 % des chondrites ordinaires, représentant 87 % des quelque 50.000 météorites collectées sur Terre. On pense que les chondrites ordinaires proviennent d’un petit nombre de collisions récentes d’astéroïdes, récentes à l’échelle de l’histoire du Système solaire bien sûr. Classées en trois groupes (H, L et LL), ces chondrites semblent provenir de trois principaux corps parents. La quantité de chondrites retrouvées dans la carrière de Thorsberg ne s’explique que par une augmentation brutale du flux de météorites. La mécanique céleste laisse même penser qu’elles sont issues d’un gros d’astéroïde d’environ 100 kilomètres de diamètre qui aurait subi l’impact d’un corps céleste plus petit. L’explosion ordovicienne a-t-elle été causée par une pluie de météorites?? Tout change donc en 2011 avec la découverte d’une nouvelle météorite qui rentrait mal dans les types connus, même si elle avait été rapprochée des winonaïtes, des achondrites primitives relativement rares, composées de larges cristaux de pyroxène, d’olivine et de sulfures mixtes de fer et de nickel. Or, un groupe de chercheurs suédois et états-uniens vient de publier un article dans Nature Communications qui confirme ce dont se doutaient certains de leurs collègues, décrivant un tout nouveau type de météorite, jamais rencontré auparavant. Il s’agit probablement d’un fragment de l’impacteur qui a propulsé dans l’espace les chondrites L retrouvées en Suède. Baptisée Österplana 065 (Öst 65) conformément aux conventions de la Meteoritical Society, c’est-à-dire du nom de la localité où elle a été trouvée (Österplana), elle a voyagé dans l’espace interplanétaire pendant environ un million d’années avant de rejoindre le fond des mers de l’Ordovicien, il y a précisément 470 millions d’années. En effet, après une collision entre astéroïdes, les fragments produits sont soudain soumis aux rayons cosmiques puisqu’ils sont éjectés de l’intérieur du corps parent. Ces rayons modifient la matière et il est donc possible de déduire de ces modifications un temps d’exposition. L’analyse précise des isotopes d’oxygène et de chrome de Öst 65 a finalement permis de la différencier nettement de toutes les météorites retrouvées à ce jour. La découverte de météorites dans la carrière suédoise est intéressante à plus d’un titre. D’abord, elle nous dit que les types de météorites qui tombent sur Terre depuis des milliards d’années ne sont pas toujours les mêmes, ce qui ouvre des perspectives pour mieux comprendre l’histoire de la ceinture d’astéroïdes et donc, plus généralement, celle du Système solaire. Enfin, il est tentant de relier le pic de bombardement météoritique découvert dans la carrière de Thorsberg, et que semblent accompagner des cratères d’impact alignés aux États-Unis comme ceux de Ames et Rock Elm, à la grande biodiversification ordovicienne.

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