Le PNRU, outil discret de la réforme de l’État

juillet 4th, 2018 no comment

Paradoxe de l’épisode actuel, celui à qui Emmanuel Macron a confié la mission de rédiger un « plan de bataille » pour les banlieues – que d’aucuns qualifient déjà de « Plan Marshall3 » – s’est déjà livré à l’exercice, il y a une quinzaine d’années. L’ancien député-maire de Valenciennes, alors ministre délégué à la Ville et à la Rénovation urbaine du gouvernement Raffarin, a en effet laissé son nom à la « loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine » promulguée le 1er août 2003. Elle plaçait en son cœur le Programme national de rénovation urbaine (PNRU) prévoyant la destruction de 200 000 logements sociaux, la reconstruction d’autant, la réhabilitation et la « résidentialisation4 » de respectivement 400 000 autres logements, le tout sous l’égide d’une nouvelle structure créée pour l’occasion : l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), venant rompre de fait avec la dynamique interministérielle jusqu’alors entretenue par la politique de la ville. Au-delà d’un primat accordé au bâti sur le social pointé par nombre de commentateurs, cette loi réaffirmait la prééminence de l’État central sur l’administration territoriale, en même temps qu’elle revendiquait un nouveau « design institutionnel » en matière de politiques urbaines (agence, appels à projets, évaluations, indicateurs, etc.). Cette réorganisation était en outre animée par la logique de « gestion par la performance » du nouveau management public, promue notamment par la Loi organique relative aux lois de finance (LOLF) du 1er août 2001. Telle est la thèse développée de manière convaincante par Renaud Epstein dans un ouvrage paru en 2013 et déjà devenu une référence sur la question, lui-même issu d’une thèse de doctorat en sociologie soutenue en 2008 à l’ENS de Cachan, et qui – fait suffisamment rare pour être noté – intervient 14 ans après le DEA de son auteur, qui portait sur une opération de Développement social des quartiers (DSQ) dans la ville de Roubaix. Entre-temps, ce dernier est en effet devenu un acteur de son objet, conduisant des missions d’évaluation d’opérations relevant de la politique de la ville, en tandem avec des universitaires dotés d’une reconnaissance professionnelle sur la question, tels que Daniel Béhar, Philippe Estèbe ou Jacques Donzelot. Cependant, à l’instar de ce qu’a montré Philippe Bezes s’agissant de la réforme de l’État, Renaud Epstein convainc qu’il serait trompeur de voir dans ce moment une rupture radicale avec les politiques en vigueur. Il remonte plusieurs décennies en arrière afin d’analyser ce mouvement de retrait, puis retour et redéploiement de l’État central en matière d’organisation des territoires urbains. Le matériau sur lequel s’appuie l’enquête est ainsi particulièrement riche puisqu’il repose sur l’analyse secondaire de 160 rapports d’évaluation de contrats de ville, soit, en plus d’un abondant corpus documentaire, près de 140 entretiens semi-directifs avec différents acteurs de la rénovation urbaine. L’ouvrage lui-même s’organise en deux grandes parties, recouvrant au total cinq chapitres : la première traitant du passage « de la politique de la ville à la rénovation urbaine », et la seconde des « métamorphoses de la gestion publique des territoires ».

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